
Les Municipalités et l’agriculture urbaine
26 octobre 2013

Par Constance Aspart, Chargée de projet I Développement durable. LEED GA
Plus qu’un effet de mode, l’agriculture urbaine est une thématique désormais ancrée dans les aspirations et mentalités de la grande couronne montréalaise.
Avec plus de 25 000 signatures, la pétition demandant une consultation publique pour l’agriculture urbaine à Montréal a marqué une prise de conscience de l’engouement citoyen pour ramener l’agriculture en milieu urbain. Les Municipalités doivent désormais composer avec, et avoir une position sur le simple potager comme sur l’élevage domestique. En tant que consultants pour de nombreuses Municipalités de petite taille, nous sommes souvent amenés à apporter notre soutien sur ces questions et souhaitions vous en faire part ce mois-ci.
Si l’agriculture urbaine est tant prisée actuellement, c’est parce qu’elle permet aux jardiniers :
– de manger localement, donc d’éviter les transports de marchandises et ainsi limiter l’empreinte carbone de leur assiette,
– d’acquérir une certaine indépendance alimentaire,
– d’avoir un contrôle sur la qualité des produits,
– de limiter l’addition de produits chimiques,
– de faire certaines économies, etc.
L’agriculture urbaine est aussi une réponse à la perte des terres agricoles face à l’urbanisation, à l’appauvrissement en biodiversité des villes, à l’augmentation de l’obésité, ainsi qu’une recommandation de l’ONU pour accroître la sécurité alimentaire.
1. Le potager urbain
Alimentation locale, saine, mais aussi économique, le potager s’inscrit dans un nouveau rapport à l’assiette qui s’installe petit à petit dans les mentalités. Qu’il soit collectif, personnel, commercial, en façade ou sur toit, le potager n’est donc plus un luxe de milieu rural dont on peut désormais se passer en ville. Toutes les méthodes sont bonnes pour maximiser les quelques mètres carrés ensoleillés disponibles.
Potager de façade
Souvenez-vous de Drummondville en 2011 : le couple de Josée Landry et Michel Beauchamp avait remplacé la traditionnelle pelouse devant sa résidence par un potager. Se référant à son règlement municipal, la Ville avait demandé au couple de remettre une bande de gazon sur 30 % du terrain.
Source : journaldemontreal.com
Après un bras de fer de 2 ans, Drummondville a fini par autoriser les potagers en façade et est devenue en ce sens une des premières Municipalités du Québec à adopter une telle réglementation. Michel Beauchamp a tout de même affirmé au Devoir il y a peu, sa déception : certes, c’est une victoire pour lui et pour l’agriculture urbaine, mais il déplore que la Ville ait accepté non pas par conviction, mais face à la pression médiatique. Il se présente donc comme conseiller municipal!
En règle générale, les Municipalités n’ont pas la volonté d’interdire de nouvelles pratiques, en particulier lorsqu’il s’agit de développement durable, mais la réglementation en place est désuète. Désuète, mais aussi bien souvent trop rigide… Il est tout aussi important de mettre à jour son cadre règlementaire que de laisser une certaine flexibilité!
Potager sur le toit
Les toitures végétalisées, comme les toits blancs, sont de plus en plus plébiscitées pour contrer l’effet d’îlot de chaleur. Mais si la toiture est capable de le supporter, un potager en bacs de culture hors sol est plus intéressant que de la simple pelouse!
A l’écoquartier de l’arrondissement Saint-Laurent à Montréal par exemple, on aménage des potagers sur les toits de certaines écoles du quartier. A l’heure où de moins en moins d’enfants savent d’où viennent les légumes sur les étals de l’épicerie, il ne faut pas négliger un autre aspect de l’agriculture urbaine : son rôle éducatif!
Source : Ecoquartier St-Laurent, toit de la Maison de l’enfance.
A ce titre notamment, elle a tout à fait sa pertinence dans un document de planification stratégique municipal, qu’il s’agisse de plan de développement durable, de développement stratégique ou encore de plan d’urbanisme.
Potager public
Enfin, pourquoi ne pas remplacer les aménagements paysagers traditionnels par des plantes comestibles? Nous avons achevé un plan d’aménagement de parc comestible en collaboration avec une pépinière locale pour une Ville de la région de Montréal. Les arbres fruitiers sont généralement moins coûteux et les espèces adaptées au climat local ne demandent pas nécessairement plus d’entretien. Cerisiers, noisetiers ou encore haies de baies attendent sa construction.
2. L’élevage urbain
Il serait incomplet de parler d’agriculture urbaine sans évoquer le micro-élevage en ville. La fermette, élevage personnel de quelques animaux sur son terrain, est une demande des citoyens désormais bien établie en milieu rural. Mais depuis que l’arrondissement montréalais de Rosemont a autorisé en partie l’élevage de poules pondeuses, l’engouement pour le gallinacé n’a cessé de prendre de l’ampleur en milieu urbain.
Voici donc quelques notions de base pour adapter ou créer votre cadre règlementaire :
– Tout d’abord, pour des raisons d’hygiène et de sécurité, sachez que la poule devrait être introduite dans son poulailler à l’âge de 4 mois ou plus. Elles ne pondent de toute façon pas avant cet âge.
– Tout poulailler devrait être constitué de deux espaces clos : un de mue et un de promenade. Les poules ont en effet besoin de se rouler dans la terre ou du sable pour se débarrasser des parasites.
– Fenêtre d’aération, abreuvoir, perchoir, abri, sont autant d’éléments nécessaires au confort de l’élevage. Des mesures sont également à prévoir pour l’entreposage de nourriture, l’hygiène du poulailler, l’hiver ou encore la fin de vie.
– Enfin, n’oubliez pas d’interdire les coqs. Leur chant matinal n’est pas toujours apprécié en milieu urbain!
Et la compatibilité de micro-usages agricoles aux spécificités et contraintes de la vie en milieu urbain est tout l’enjeu. Qu’il s’agissent d’oeufs frais ou de légumes du jardin, l’agriculture urbaine est une demande saine et durable qui doit être, si ce n’est incitée, du moins permise et encadrée de façon appropriée.