
Le monitoring en aménagement
1 avril 2015

Par Jérémie Vachon, Stagiaire en urbanisme à L’Atelier Urbain
Mues par le désir sincère de créer des milieux de vie exceptionnels pour leurs habitants, les municipalités québécoises rivalisent d’ingéniosité pour s’améliorer, se parfaire, se réinventer. Et leurs citoyens veulent être des acteurs de ce changement.
Comment l’aménagement et l’urbanisme participent-ils à ce changement? Premièrement, par la nécessité de produire un plan d’urbanisme qui contribuera à l’atteinte d’objectifs généraux et proposera des actions pour y parvenir. On observe également un nombre grandissant de municipalités qui ont recours au Programme particulier d’urbanisme (PPU), outil qui décrit de façon plus détaillée l’aménagement d’un secteur précis.
Traduire les paroles en actes
Ce n’est pas tout de produire des plans et programmes, encore faut-il les mettre en application. Et ensuite, comment savoir si les moyens de mise en œuvre choisis permettent concrètement d’atteindre les objectifs fixés dès le départ? La réponse réside probablement dans les outils de type monitoring. Qu’est-ce que c’est?
En médecine, Larousse définit le monitoring comme une « surveillance médicale en continu ou à intervalles rapprochés, effectuée par mesure de paramètres ou par enregistrement de phénomènes divers. »
Par analogie, en aménagement du territoire, le monitoring consiste en une surveillance, à intervalles déterminés, des progrès réalisés pour l’atteinte d’objectifs d’aménagement, par l’évaluation d’indicateurs.
Une obligation légale au Québec?
Au Québec, peu de doute subsiste autour du fait que le monitoring sera sous peu une pratique légalement exigée. Par exemple, la MRC de Vaudreuil-Soulanges travaille à l’adoption d’un règlement qui obligera ses municipalités faisant partie du Grand Montréal à « […] produire annuellement, à partir du 1er janvier de chaque année, un rapport sur les indicateurs de suivi du processus de densification des espaces voués à une urbanisation optimale » (projet de règlement 167-15).
Mort au feuilleton en 2012 lors du déclenchement des élections, le projet de Loi sur l’aménagement durable du territoire et l’urbanisme (LADTU) faisait l’objet d’un vaste consensus et reviendra probablement à l’ordre du jour pour adoption sous peu. Ce projet, qui devait remplacer l’actuelle Loi sur l’aménagement et l’urbanisme, contenait des dispositions légales concernant le monitoring :
Extrait de l’Article 102 du projet de LADTU
« Toute municipalité locale doit se doter d’indicateurs visant à assurer le suivi et la mise en œuvre de son plan d’urbanisme et à évaluer les progrès réalisés vers l’atteinte des objectifs qui y sont exprimés et la réalisation des actions qui y sont proposées; son conseil doit adopter un rapport biennal sur ces sujets. »
En Suisse, il s’agit d’une pratique connue, par exemple dans le canton de Genève[1]. Cependant, dans la mesure où le monitoring est nouveau et qu’il n’existe pas de références communes chez nous, la question qui se pose est : « Comment le faire? » Il y a certains éléments dont il faut tenir compte, notamment la nécessité de bien choisir les indicateurs.
Choix des indicateurs
Les municipalités doivent prendre garde à ne pas choisir les mauvais indicateurs! Il faut garder à l’esprit que le monitoring réalisé avec ces indicateurs doit servir à alimenter la réflexion et aider à la prise de décisions. Des indicateurs trop généraux ne parviendront pas à cerner la complexité de l’évolution du milieu et ne seront pas utiles. Des indicateurs trop précis coûteront cher à mettre au point et à mesurer, et fourniront de l’information superflue dont la portée est restreinte. Il est préférable d’opter pour des indicateurs qui s’appuient sur des données déjà existantes, facilement disponibles, ou aisées à produire. La production de données peut s’avérer onéreuse et fastidieuse!
Il est donc primordial pour une municipalité de faire une sélection rigoureuse des indicateurs pour :
- remplir adéquatement ses futures obligations légales;
- répondre aux attentes des citoyens et du ministère des Affaires municipales;
- s’assurer d’une allocation optimale des ressources.
Quels avantages au monitoring?
Outre les obligations légales auxquelles les municipalités seront tenues de répondre, il y a un réel avantage à faire un monitoring des avancées réalisées en lien avec un plan ou un programme d’urbanisme.
Pourquoi? Parce que ce monitoring permet à l’administration municipale d’évaluer :
- Si les actions mises de l’avant par la municipalité et ses partenaires ont permis de réaliser les progrès souhaités ou non;
- Si les délais prévus dans les plans d’action sont suffisants pour parvenir à l’objectif final en fonction des progrès déjà accomplis ou s’il importe de revoir l’échéancier;
- Si les moyens de mise en œuvre choisis sont pertinents dans le cadre de l’atteinte des orientations et objectifs des plans et programmes ou si d’autres mesures seraient plus efficaces ou efficientes;
- Si les moyens financiers, humains et matériels attribués à la réalisation d’un plan d’action sont suffisants ou s’ils mériteraient d’être bonifiés.
Ces informations sont précieuses, évidemment, dans l’optique où les municipalités sont redevables envers les citoyens qui contribuent financièrement aux efforts faits.
Faire appel à des spécialistes?
Par souci de crédibilité, il est souvent souhaitable dans le cadre d’un exercice d’évaluation de faire valider les résultats et l’analyse par un tiers. Il s’agit d’une des raisons pour lesquelles de nombreux organismes publics ont un vérificateur général. En procédant ainsi, les rendus bénéficient d’une meilleure crédibilité aux yeux des observateurs puisque le requérant s’est placé à l’abri des conflits d’intérêt potentiels et s’est gardé de trop interférer dans le processus. Ainsi, une municipalité gagne à s’adjoindre l’expertise de spécialistes en aménagement qui sont familiers avec le monitoring.
En conclusion…
Tout indique que le monitoring en aménagement est à nos portes. Il pose un certain nombre de défis au monde municipal et pour éviter d’en faire un indésirable, les acteurs municipaux gagneront à amorcer dès maintenant une réflexion à ce sujet. Il faut garder à l’esprit qu’il y a de nombreux bénéfices concomitants.
Et surtout, le monitoring confronte à la réalité : a-t-on planifié pour planifier ou a-t-on planifié en vue d’agir?
—
[1] http://ge.ch/amenagement/monitoring
Photo : Photo de couverture Résumer la performance d’une municipalité dans l’atteinte des objectifs de son d’urbanisme ou son PPU en un coup d’œil? Possible… Production : Jérémie Vachon, 2015. Adapté de : Deutsche Gesellschaft für Nachhaltiges Bauen Photo 2 http://jbourbonnais.org/wp-content/uploads/2015/01/Sch%C3%A9ma-dam%C3%A9nagement-et-de-d%C3%A9veloppement-de-lagglom%C3%A9ration-de-Montr%C3%A9al-236×340.png